Rien n’arrive en une fois
Le changement ne se fait pas en une fois, et il n’y a pas de garantie de changement définitif.
Méfie-toi du deuxième jour.Dicton indien
— Pratiquons éternellement.Dainin Katagiri : Retour au silence ; la pratique du zen dans la vie quotidienne. Seuil, 1988 rév./trad. 1993. Jikai Dainin Katagiri est un prêtre et enseignant Zen Sōtō, et l'abbé fondateur du Minnesota Zen Meditation Center à Minneapolis, Minnesota, où il a servi de 1972 jusqu'à sa mort d'un cancer en 1990. Il est également le fondateur de Hokyoji Zen Practice Community à Eitzen, Minnesota.
— Éternellement ?
— Éternellement. Trois mille kalpas. En êtes-vous capable ? Eh bien ! si vous ne l’êtes pas, je pense que vous feriez mieux de vous en aller tout de suite.
Nous avons de grandes difficultés à tenir nos engagements envers nous-mêmes, à éviter certains travers plus ou moins handicapants, ou à effectuer sur une base régulière des activités dont nous savons pourtant qu’elles seraient profitables. Souvent, nous ne comprenons pas pourquoi nous avons tant de mal à faire ce qui nous apparaît comme peu de chose. Mais nous nous méprenons sur l’ampleur du changement que la moindre résolution implique.
En effet, un changement qui semble minime exige presque toujours :
- un remaniement profond des habitudes (habitudes sociales, horaires, rapports avec les proches, etc.) ;
- une réflexion continue sur ses motivations et un changement conséquent de certains aspects de la personnalité (rejet des motivations de ce qu’on cherche à éviter pour les remplacer par ce qu’on cherche à obtenir, construction d’une éthique)
Le changement ne se fait pas en une fois :
- Ce n’est pas parce que nous n’avons pas réussi à obtenir un changement sur nous-mêmes qu’il est impossible. Il nous suffit de recommencer, et de recommencer encore. Nous renforçons notre conviction et comprenons mieux nos motivations.
- Ce n’est pas parce que nous n’avons pas réussi à appliquer une recette que celle-ci est erronée. Des ajustements sont nécessaires. Chaque fois que nous réessayons, nous progressons dans notre compréhension du problème.
Il n’y a pas de “bonnes” habitudes :
- « Méfie-toi du deuxième jour », dit un dicton indien. C’est toujours le lendemain du jour où on est le plus satisfait de sa réussite que survient l’échec. Nous voulons parfois croire qu’on peut prendre de “bonnes habitudes” comme on “prend un mauvais pli”. Mais toutes les routines engendrent un oubli de nos motivations à faire les choses. C’est dans ce cas que le “naturel” ne manque pas de revenir. Notre sauvegarde est au contraire dans le refus de se laisser engourdir par l’habitude. Si nos décisions ne sont pas appliquées avec la même attention que si elles avaient été prises le matin même, elles deviennent lettre morte.
Le changement, au sens thérapeutique, consiste principalement en l’effacement des émotions négatives telles que la colère, la peur, le mépris, la honte, qui sont génératrices de souffrance. Il me paraît salutaire de garder à l’esprit que rien n’est jamais gagné et que les émotions négatives tendent à resurgir et resurgiront toujours. Néanmoins, elles sont chaque fois plus faciles à combattre. La réalisation bouddhiste est une élimination parfaite, irréversible et complète des émotions
négatives, mais je me satisfais du stade où, à peine resurgis, celles-ci sont immédiatement repoussées sans plus de difficulté que le souvenir d’un cauchemar sorti du passé. Par exemple :
- Bien que j’aie vécu trente ans avec l’idée de la mort comme solution possible à toute difficulté (ce qui me cachait les solutions les plus évidentes), j’ai pu rejeter cette pensée jusqu’à ce qu’elle me devienne étonnamment étrangère et abstraite. Je garde à l’esprit qu’elle peut resurgir mais je pense pouvoir la rejeter sans peine.
- Pendant dix ou quinze années de ma vie, je me suis très souvent mis en colère contre des personnes dans la rue ou dans les magasins, sans les connaître, et pour des raisons mineures. Aujourd’hui, cette attitude m’est devenue incompréhensible, et il m’est difficile d’imaginer comment j’ai pu en être à ce point l’esclave. Pourtant, je sais combien d’en sortir m’a coûté d’efforts, de résolutions non tenues, de tentatives répétées.
Concrètement, qu’est-ce que je peux faire pour tenir mes résolutions ?
- Essayer encore et encore.
- Réfléchir encore et encore sur mes motivations. Pourquoi est-ce que je veux obtenir tel ou tel changement en moi ?
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