Etudier le Bouddhisme
Ce que je cherche doit se trouver dans une forme ou une autre de bouddhisme.
Peut-être nous disons-nous : « Ne dis pas que le monde est impermanent parce que c’est pessimiste. » Mais qu’importe notre expérience ou les sentiments que nous inspire l’impermanence ; le monde est impermanent.Dainin Katagiri : (Retour au silence ; la pratique du zen dans la vie quotidienne) Jikai Dainin Katagiri, également connu sous le nom de Hojo-san Katagiri, fut un Sōtō Zen roshi et l'abbé fondateur du Minnesota Zen Meditation Center à Minneapolis, Minnesota, où il a servi de 1972 jusqu'à sa mort d'un cancer en 1990.
C’est la découverte d’une philosophie extrêmement profonde. Peut-être que l’Occident a longtemps pensé qu’il n’y avait de philosophie que grecque, et c’est un peu comme si brusquement on ouvrait un coffre et qu’on découvrait toutes les œuvres de Platon.Matthieu Ricard (Le Bouddhisme et l'Occident) Matthieu Ricard, né le 15 février 1946 à Aix-les-Bains, est docteur en génétique cellulaire, moine bouddhiste tibétain, auteur et photographe. Il réside principalement au monastère de Shéchèn au Népal.
Le Bouddhisme est un choc philosophique pour un Européen. Non pas que le bouddhisme soit la vérité. Mais y poser un regard tolérant et critique permet d’accéder à un monde de pensée différent.
Je me suis proposé un jour de laisser derrière moi mes préjugés négatifs sur les explications traditionnelles que les religions ont du monde (par exemple, dans le cas du Bouddhisme, sur la réincarnation), considérant qu’elles sont intenables si on les prend à la lettre mais souvent faciles à interpréter si on accepte de les considérer comme des métaphores de faits bien terrestres. De plus, je me suis aperçu que mon esprit occidental athée, voire antireligieux, acceptait plus facilement de se pencher sur ce que propose une religion s’il considérait que celle-ci n’offre pas nécessairement une interprétation du monde tel qu’il est mais tel que l’humain désire qu’il soit. Sur ce plan, le bouddhisme peut dévoiler tout un pan de la psychologie humaine que l’Occident ignore ou néglige.
Lorsque je me suis penché sur le bouddhisme avec ce regard pour la premi.re fois, la pensée qui le sous-tend m’est apparue comme la plus sensée des explications des fonctionnements humains qu’il ne m’ait été donné d’approcher. Mais de façon plus surprenante, elle m’est apparue comme la continuation logique du développement de la pensée occidentale ! Ce qui est un paradoxe, la pensée bouddhiste étant apparue 2500 ans avant la pensée occidentale avec laquelle je la compare.
Le monde occidental opère lentement un virage philosophique qui le rapproche du bouddhisme :
- La pensée scientifique occidentale ne se développe qu’à partir du moment où elle accepte, contre sa pensée religieuse dominante, que toutes les choses ont une cause explicable et que toutes les choses sont mutables (c’est-à-dire qu’il n’existe pas de cause originelle et qu’aucune chose n’est intrinsèquement immuable). Or ces deux pensées, la causalité et l’impermanence, sont la base de la pensée philosophique bouddhiste.
- L’histoire des sciences occidentales et en particulier de la physique montre qu’il n’y a pas de « réalité » objective mais seulement des manières d’interpréter le monde (sans pour autant que celles-ci se valent toutes) ; parallèlement, la psychologie opère le même virage.
- Les sciences de la cognition décrivent depuis récemment le comportement de l’individu comme le seul effet d’interactions d’éléments interdépendants, tant au niveau microscopique (les neurones) qu’au niveau macroscopique (les agents dans le groupe).
- Les méthodes occidentales de soulagement du malheur (les thérapies) prennent leur source dans la découverte de l’inconscient et dans l’idée que pour sortir du malheur, il est possible d’agir sur soi et non pas sur le monde. Les méthodes récentes insistent sur la capacité de transformer les problèmes en occasions d’améliorer son existence. Or toutes ces pensées sont inhérentes au bouddhisme.
Il n’est pas impossible qu’une réflexion nourrie mène immanquablement aux mêmes conclusions éthiques (“the timeless truths of all humanity”, Stephen R. Covey : The 7 Habits of Highly Effective People ; Powerful Lessons in Personal Change . Fireside, 1989) mais les “valeurs” sont aussi impermanentes que les modes ou les sociétés. Le jugement que les humains ont de l’importance des choses varie considérablement. La plupart des notions sur lesquelles sont basées nos existences (y compris celles pour lesquelles nous pensons souffrir) n’auraient aucun sens si nous vivions ailleurs ou à une autre époque, et souvent même n’ont eu ou n’auront aucun sens pour nous-mêmes à une autre période de notre vie. Nous nous laissons influencer par ce que nous avons l’habitude de voir ou d’entendre. Le fait de le comprendre permet d’accorder moins d’importance à des possessions particulières, à un mode de vie, à des ambitions, à des critères esthétiques, et aussi aux jugements des autres.
Découvrez d’autres préceptes de l’Almanach Zen
364 préceptes à méditer…
© Copyright 2009 Luc Élias-Kawada et Jean-François Romang. Ces textes sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons – Paternité – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 2.0 France. La reproduction et la diffusion sont autorisées, sans modification et à des fins non commerciales.