Ce qu’on est n’est pas un
La pensée consciente n’est qu’un des aspects de ce que je suis ; je m’étends bien au-delà.
Il me paraît normal de considérer « moi » comme d’une entité indépendante parce qu’il me semble être capable d’effectuer des actions indépendantes comme par exemple de fermer une porte. Mais un courant d’air également est capable de fermer une porte et c’est pourquoi je peux lui donner ponctuellement une identité en le désignant par « le courant d’air ». Mais en réalité le courant d’air n’existe pas en soi, hors de la masse d’air qui le crée. Il est impossible de dire où il commence et où il finit, par exemple. Quand je parle de « moi » je crois désigner une entité indépendante mais cette entité n’a pas plus d’indépendance que le courant d’air. Elle n’est qu’une manifestation ponctuelle de la continuité humaine.
Lorsque j’entre en contact avec une personne, quel que soit ce contact, bon ou mauvais, ma vie est projetée sur cette personne et modifie définitivement la nature de cette personne. Mais il va de même dans l’autre sens : la vie de cette personne est projetée en moi et modifie définitivement ma nature. Au moment de ce contact, ma vie devient sa vie et sa vie devient ma vie. Après ce contact, je ne suis plus la même personne, et cette personne ne sera plus jamais la même non plus. Or, ceci se produit sans cesse et des vies s’échangent ainsi continuellement. Où est alors la personne individuelle que je suis censé être au départ ? En fait, elle n’a jamais été. Je n’ai jamais été que l’entrelacs compliqué de tous ces contacts (Fig.1)
Nous avons tendance à croire que la personne commence et s’arrête à son corps physique. Cependant, nous reconnaissons que la personne existe à travers ses actes et l’influence qu’ils ont. En ce sens, la personne s’étend bien au-delà de son corps physique et, après avoir parlé ou agi, existe même si son corps physique a cessé d’agir ou n’est pas présent. Depuis son inconscient le plus profond la personne s’étend . l’ensemble de l’humanité future comme la vague d’un caillou jeté dans l’eau.
Cependant, même si nous reconnaissons ces faits, nous voulons absolument distinguer la personne physique, en disant par exemple que la personne se limite. sa conscience. Mais à nouveau, la personne ne s’identifie pas à sa conscience. La personne n’a conscience que de certaines de ses pensées. Même certaines de ses paroles et une grande partie de ses actes échappent à sa conscience. Inversement, elle prend couramment conscience de certains des actes qui lui échappent, ou encore elle constate l’influence directe ou indirecte que ses actes ont eu alors qu’elle n’en avait pas conscience ou n’était même pas physiquement présente.
- Essayez de citer une chose qui soit vous-même et qui ne vienne pas d’un autre être humain. Vous pouvez ?
- Quelle est la différence entre vous qui fermez la porte et le courant d’air qui ferme la porte ?
- Essayez de citer une seule de vos pensées qui ne soit pas immédiatement confrontée à une pensée contradictoire. Vous êtes constamment en train de débattre avec vous-même. Y a-t-il, dans ce débat, une entité unique ?
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