Attention et non-réaction
Être attentif, c’est garder à l’esprit qu’il n’y a pas de réalité objective à laquelle réagir.
Nous traitons les constellations d’étoiles comme des objets mais ces objets n’existent que dans notre vision du monde (les étoiles qui composent les constellations sont en fait situées sur des plans très différents et n’ont rien à voir entre elles). Dans la figure ci-dessus, certains d’entre nous verront la barre horizontale du T comme la plus longue, et d’autres diront que c’est la barre verticale (en fait, les deux barres ont la même longueur). Or, tout ce que nous prenons pour des réalités relève du même type de réalité. Ce ne sont que des manières de voir les choses.
Même si nous en sommes conscients, nous voulons nous raccrocher à l’idée qu’il existe une réalité objective et que si nous sommes (parfois) abusés par nos sens, nous pouvons découvrir cette réalité objective (par exemple le fait que les deux branches du T ont en fait la même longueur). Mais considérons maintenant la deuxième figure. Certains d’entre nous verront la partie hachurée comme le dessus d’un cube vu du dessus, d’autres comme le fond d’une boîte vue de face. Laquelle de ces deux réalités est la réalité objective ? Il n’y a ni boîte ni cube ! Où se situe alors la réalité objective ? Mon lecteur me dira que la réalité objective est qu’il ne s’agit ni de cube ni de boîte mais de taches d’encre sur du papier. Je lui dirai qu’en ce qui me concerne, j’y vois des atomes regroupés en molécules disposées les unes à côté des autres. Mais qu’on m’a dit qu’il s’agissait plutôt de quarks et de gluons jaillissant du vide et y retournant sans cesse.
D’autres diront que cette figure correspond à de l’information présente aussi dans mes neurones, sur ma rétine, dans le disque dur de mon ordinateur, dans la mémoire-tampon de l’imprimante, sur le papier, sur la rétine de mon lecteur, dans son inconscient, etc. Chacune de ces interprétations est correcte, au même titre que celles de la boîte et du cube.
Dans la vie quotidienne, nous avons tendance à penser que notre interprétation des faits est la seule pertinente au moment où ils nous apparaissent. Par exemple, quand nous voyons une personne, nous en ignorons tout ou presque : la quasi-totalité de ses pensées, comme la quasi totalité de l’influence qu’ont eu ses actes passés sur le moment présent, nous échappent. Nous en saisissons à peine quelques aspects superficiels passés à la moulinette de notre vision du monde.
Néanmoins, nous effectuons continuellement des jugements alors que l’expérience nous montre qu’ils sont erronés dans la plupart des cas.
Être attentif, c’est :
- repérer autour de nous d’autres manières de voir le monde,
- garder à l’esprit que nous avons continuellement tort, que nous sommes continuellement abusés par nos interprétations du monde,
- que nous sommes continuellement le jeu de nos réactions.
Une fois cela compris, il est beaucoup plus difficile d’être “réactif”, c’est-à-dire de se mettre en colère, de s’indigner ou de se révolter. Il est beaucoup plus facile de trouver l’espace entre les stimuli et notre réaction à ces stimuli.
Une personne réactionnaire est une personne qui croit qu’en supprimant ce qui provoque chez elle un malaise, elle agira sur les causes profondes de ce malaise (par exemple en croyant qu’en réprimant la pornographie on peut en supprimer l’origine psychologique). Une personne réactive est une personne qui répond aux inquiétudes ou aux désagréments que lui causent ses interprétations du monde sans se donner le temps de tester leur validité. Il ne s’agit pas de la même chose, mais il existe des similitudes entre les deux : la croyance en l’objectivité de sa vision du monde et l’incapacité à améliorer son existence en agissant sur son propre état d’esprit.
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